Dès lors, Charles Eyck ne passe plus inaperçu. L’instituteur accompagne ses élèves, les gens du village jettent un coup d’œil, des femmes avec « corne d’abondance » assurent la subsistance du maître.

Il utilise trois techniques : · La peinture sur ciment. · La peinture graffito (dessins tracés à la pointe du couteau sur fond de peinture noire.) · La peinture sur couches.

Les 400 m² de fresques et peintures prennent visage humain. C’est dans le conscient de l’artiste de réaliser « Un livre d’images » en symbiose avec le petit peuple. Ce lieu mystique doit être ouvert à tous. L’église reflète la matérialisation et les essences de la Thiérache. Charles Eyck inscrit dans ses peintures l’église de Jeantes et de Montcornet, le portail de l’école, le bocage Thiérachien et ses pommiers couverts de pommes à cidre. Le Patron, saint Martin est renaissant ; saint Etienne prisonnier dans une couronne d’épines est lapidé. Les seules entorses que s’autorise Charles Eyck au regard des écritures bibliques.

En entrant dans le sanctuaire, on ne reste pas de marbre devant la Piéta munificente A ses pieds reposent les clous de la crucifixion, les dés 4.21 symbole par le jeu des légionnaires à s’approprier les frusques de « l’homme en croix. » Au centre de la nef, une monumentale peinture devant laquelle on assiste, impuissant à « La descente de croix » d’un homme sanguinolent. Les personnages qui l’entourent sont décharnés. Dans leurs yeux, on lit l’effroi, la tristesse, la compassion, la passion.

N’est-ce pas la réponse de Charles Eyck lorsqu’il parlait de son handicap ?  » Je regarde la vie par les yeux. »

Autre aspect symbolique de Charles Eyck est cette peinture où l’on remarque, sur le lac de Tibériade, une embarcation de laquelle des pécheurs lancent un filet mais il semble « s’accrocher » à la cuve baptismale du XIIème siècle. Seraient-ce les messagers à être des pécheurs d’âmes ?

Sur le mur du côté droit, les quatorze stations du chemin de croix, elles sont esquissées sur carton. Charles Eyck les destine en grandeur nature, à l’église de Reijmerstock.

En regardant, on imagine que sur ce long parcours qui mène le crucifié au Golgotha que le chemin n’est pas semé de roses ! La foule en délire accompagne le « profanateur » à l’ordre établi. Elle se répand en invectives contre cet homme ramassé par le lourd fardeau qu’il porte sur une épaule. Il met genou à terre « ce chef d’un mouvement de libération recherché pour exercice illégal de la médecine (guérison), fabrication de vivres sans patente (multiplication de pains et aux noces de Cana change l’eau en vin), voie de faits sur les marchands du temple ». (ces vendeurs de souvenirs profanes) Regardez les visages des quelques familiers qui l’entoure. Leur regard traduit l’abattement, la peur, les scrupules de conscience. Ces murs d’images sont des cris de douleur mais l’artiste ne les perçoit pas. Il véhicule à sa manière la souffrance, celle d’une mère envers son fils qui agonise ; d’une pécheresse repentie ; celle d’un homme qui fait l’effort à soulager les douleurs. Ces dessins sont une force mystique et de paix. Charles Eyck a reçu cette année là, le don du ciel. Il nous invite à faire arrêt sur image devant ses fresques et ses peintures et nous faire partager ses émotions tactiles. Personne ou quiconque ne peut rester insensible à cette beauté de caractère.