Peintre, verrier, céramiste et sculpteur tout à la fois !

Charles Eyck a 20 ans. Après de multiples sacrifices, il est inscrit en cette période de  » vaches maigres  » à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Amsterdam. Bien noté par ses maîtres, il est présenté en 1922 au « Prix de Rome. » Il reçoit le « Grand prix de peinture » pour son œuvre : L’enfant prodigue. C’est une revanche sur la vie. Pour parfaire ce métier auquel il se destine, il séjourne quelques années en Italie. Il saute allégrement les frontières. Il se transporte sur les Iles des Antilles néerlandaises (Curaçao) près des côtes vénézuéliennes, en Scandinavie, en Suède, Norvège, Danemark, ect. En 1928, Il affectionne particulièrement la France et sa Provence (Cagnes-sur-mer, Fontenay-aux-roses). Il s’installe à Clamart en banlieue parisienne où il est remarqué par Albert Kuyle, l’un des responsables du magazine « De Gemeenschap ». Charles Eyck lui apporte son savoir de dessinateur.

L'enfant prodigue. Prix de Rome 1932

L’enfant prodigue. Prix de Rome 1932

Il côtoie de grands peintres, Vincent Korda, Georges Braque et d’autres. Il est remarqué par Jules Pascin qui lui organise une exposition à la galerie Blanche Guillot. C’est avec humilité et simplicité que notre peintre suit le conseil de sa mère : « Ne pas faire de l’art mais des tableaux. »

Dans son atelier, Charles Eyck travaille à ses commandes selon ses humeurs ou son inspiration sachant prendre le temps d’abandonner ses pinceaux pour son épouse Karin qui lui fait commande des provisions du jour. Il sort sa petite voiture du garage et sans état d’âme, il contribue à la subsistance du ménage par un aller-retour à Valkenburg. Son ouvrage, il le reprendra plus tard… Sa conception du mariage est : « C’est une pièce de théâtre qu’il faut jouer en toute amitié jusqu’au « rideau ».

Par contraste, il décore le pavillon hollandais lors de l’exposition internationale de Bruxelles, en 1935 puis celle de Paris, en 1937. Lorsque la reine Juliana monte sur le trône en 1949, il lui revint d’immortaliser le couronnement. Des voix, des critiques, des controverses s’élèvent car, les « courtisans » sont absents de sa toile ! En 1955, il est professeur à l’Académie JanVan Eyck à Maastricht. Il publie de nombreux ouvrages rehaussés de ses illustrations. Sculpteur, il érige un imposant monument en bronze « la libération de Maastricht ». Sur le piédestal, hommes, femmes, enfants dans un déchirement aveugle, brisent leurs étreintes. Charles Eyck est tout à la fois peintre, verrier, céramiste, sculpteur.

Immortaliser un nom

Meerssen veut rendre un vibrant hommage à Charles Eyck, ville où il est né. Une artère porte le nom  » CharlesEickstraat. » Honneur aux œuvres picturales et sculpturales qui lui reviennent notamment à l’église « saint Joseph des Travailleurs [arbeiderkerk] » tant pour ses vitraux, ses fresques, ses sculptures intérieures et extérieures et le monument sur les espaces verts. La cérémonie est fastueuse. Le Burgmester (maire) prend en calèche Charles Eyck, Karin son épouse, Margit et Ragnar, ses deux enfants. Ils reçoivent les ovations de tout un peuple venu à sa rencontre.

Un hommage qui est allé sûrement droit au cœur de son épouse et du maître car il a toujours eu le sentiment : « J’ai de temps en temps des remords puisque j’ai gâché son talent créatif pour en faire une ménagère. C’est une honte que pour l’amour de moi, elle gâche ses capacités artistiques dans la cuisine. »

Un livre d’images s’ouvre à Jeantes

Charles Eyck

En 1962, Charles Eyck laisse de côté ses commandes et fuit les mondanités. Il rejoint, dans la plus grande discrétion son ami et compatriote de Jeantes-la-ville, Peter Suasso de Lima de Prado. L’abbé lui avait suggéré un an auparavant : « Faites de ma petite église, ancienne forteresse et de nouveau un lieu de réunion, un petit chef d’œuvre dans un pays qui perd sa fierté. » Les visites du peintre-verrier attisent les conversations, la curiosité voire les soupçons. « Que veut le curé avec son gars qui se promène tous les jours, tâtant les murs partout, mesurant tout ?  » Les enfants sympathisent avec « le vieux monsieur » de 65 ans, sourd-muet mais qui dessine pour eux ! Il emprunte leurs idées tel ce « coq » qui sonne si bien le réveil matin ! L’artiste fait de ce gallinacé de basse-cour, l’arme du reniement de Pierre-Apôtre, désigné par une femme à la vindicte populaire qui le qualifie d’être comme l’un de ses compagnons : Un traître. Dès l’aube, d’août en novembre, Charles Eyck assis sur un prie-dieu ou sur le haut de son escabeau peint en harmonie. C’est le combat contre ce torchis qui s’effrite, ce salpêtre qui réapparaît, ces murs hostiles qui refusent cet habillage de fresques et de peintures. Il doit gratter, enduire de plusieurs couches. Que de problèmes pour le maître qui veut que sa peinture figurative raconte une histoire et qu’elle se perpétue sur plusieurs générations !