En 1962, le peintre hollandais Charles Eyck rejoint l’église de Jeantes-la-ville. Il y accomplira une fresque murale de 400 m²
L’édifice cultuel de Jeantes (XIIème siècle) est flanqué de deux tours carrées. L’une est dévolue de 1828 à 1889 à l’administration municipale. La mairie s’installe. Selon l’étymologiste Mennesson, Jeantes viendrait du bas latin » Jantar » qui signifierait » les apprêts, le gîte et le partage.
» Edouard Piette y voit une autre interprétation dans les lettres patentes de Louis XIV comme étant « Gente » et par extension « Gentis Ville » la ville du païen, du gentil. En revanche, il confirme la mise à jour de nombreux vestiges romains. Il trouve un sucellum consacré à Baachus. La sculpture représente deux personnages debout et entièrement nus. L’un, sous les traits d’un jeune homme imberbe est couronné de pampres. L’autre a le front armé de deux cornes et pourvu d’une pilosité.
Il en conclut : « Aux attributs qui distinguent la première figure, on reconnaît Baachus, le dieu du vin livré à doux repos de corps et d’esprit qui paraît être l’effet d’une demi-ivresse, et son joyeux acolyte au front corné qui fait tout ce qu’il peut pour le maintenir en équilibre est évidemment un satyre. »
D’éminents historiens rapportent que Jeantes, au XIIème siècle attire les convoitises de la seigneurie de Rozoy et du clergé de l’abbaye de saint Michel en Thiérache.
Notre propos est tout autre. L’histoire contemporaine nous plonge au cœur du XXème siècle. D’un côté, le curé de la paroisse de Jeantes et de l’autre, un peintre-verrier du Limbourg. Deux hollandais qui décident en 1962 à rendre à l’église du village, son prestige et sa grandeur.
Un curé peu ordinaire
Peter Suasso de Lima de Prado [1915-1991] (je ne le remercierais jamais assez de tout ce qu’il m’a apporté) est la cheville ouvrière du projet de restauration de son église. Il est né d’une famille nobiliaire portugaise. Elle s’installe aux Pays-Bas au XVIème siècle. A 18 ans, Peter Suasso, homme de lettres écrit ses premières publications, comme critique d’art. En 1946, il gagne l’Afrique en qualité de directeur de presse. Il dirige trois journaux de langue africaine, construit des écoles et enseigne le journalisme. Il a un profond respect et un attachement particulier à la promotion de la femme africaine et de sa place dans la société. Il publie « femmes d’ébène. » Quel sacerdoce ! Antérieurement à son exil en Afrique, il est lors de la seconde guerre mondiale, Colonel-aumonier général de la résistance hollandaise, membre du quartier général du Prince Bernard. Il occupe les fonctions de » Réabsorption officer » soit dit, le reclassement des résistants.
Peter Suasso ne compte plus les distinctions ni ses médailles : Grand Croix franco-britannique, Grand Croix de la résistance, Interallied Distinguished Service cross, etc.
L’appel de la Thiérache
Pour raisons de santé, Peter Suasso quitte l’Afrique en 1961. Il doit trouver un climat plus tempéré et humide, il échoit à Jeantes-la-Ville [canton d’Aubenton – Aisne]. A son arrivée en terres thiérachiennes, il découvre l’église placée sous le patronage de saint Martin, dans un état d’abandon et de délabrement. Son prédécesseur, l’abbé Brazier [1878-1991] est décédé à 83 ans ; la commune est sans le sous. L’église non classée serait vouée à la démolition. Le nouveau ministre du culte ne se décourage pas. Usant de relations personnelles, il fait venir à Jeantes pour un séjour utile, douze jeunes de l’Ecole Normale d’hilversum (Pays-Bas). L’accueil de la population est chaleureux mais le temps est précieux. Au travail !
Sur ce chantier, l’abbé paie beaucoup de sa personne. Il repousse avec sa jeune équipe les dommages causés sur le mobilier, les ornements, les murs lépreux. Martin, le saint Patron, évêque de Tours, ancien soldat romain qui vint en garde avec sa légion partageant sa chlamyde (manteau) avec un pauvre qui lui demande l’aumône est fier de ses fidèles serviteurs ! Ils mettent toute leur énergie au service de la paroisse.