Filles de la Providence

Charles Eyck à Ravenbos en 1977

Charles Eyck à Ravenbos en 1977

Sur la fin des travaux arrive à l’improviste, une soixantaine de religieuses « Filles de la Providence » d’Avesnes (Nord) où se situe la maison-mère. Cette congrégation est fondée au début du XIXème siècle par une fille de Jeantes : Monique Carlin [1785-1844]. Son père maire de la commune donnait asile à des prêtres pourchassés par la révolution.

Ce retour « providentiel » des religieuses est une aubaine pour le curé hollandais. Il les sollicite. Il reçoit en offrande l’annonce de cinq vitraux. Ils relateront la vie et l’œuvre hospitalière de Monique Carlin, l’enfant du pays qui à Hirson apporte soins et réconfort aux blessés de retour de Waterloo.

Pour l’ancien missionnaire, ce n’est pas encore : Mission accomplie. Fort de ses cinq vitraux, il n’apprécie guère de les confier à des maîtres-verriers qui se prononceraient pour un style sulpicien. Il fait appel à son compatriote et ami : Charles Eyck.

Ecouter la musique du silence

Charles Eyck

Charles Hubert Eyck est né le 24 mars 1897 à Meerssen, province du Limbourg (Pays-Bas), d’une famille modeste, son père Mathieu sera tour à tour, coursier d’étude notariale, vendeur à la criée, bedeau. Charles Eyck est le quatrième enfant d’une fratrie de quatorze.

A l’âge de 11 ans, il est atteint de la fièvre typhoïde et de pathologies concomitantes. Il perd l’ouïe. A l’un de ses amis, il raconte : « Peu de fièvre, je roulais d’un côté à l’autre dans le grand lit de mes parents sans que personne ni rien n’ait pu me calmer. Au troisième jour, ma mère et une voisine se trouvaient à mon chevet. Je n’entendais pas leurs voix tellement ils parlaient bas… du moins, je le croyais car, je n’étais pas encore conscient du fait que l’organe de l’ouïe était atteint par la fièvre. A l’hôpital  » mon calvaire  » à Maastricht avec des infirmières paillonnant, j’entendais ma sœur Maria appeler mon nom tout le temps, mais je ne pouvais la découvrir nulle part. »

Charles Eyck d’ajouter bien plus tard : « Maintenant, je n’ai pas du tout le sentiment d’être sourd. Le silence qui m’entoure, je le considère comme ma deuxième nature. Parfois je pense que tous les hommes sont sourds et qu’ils se comprennent ou se comprennent mal par le mouvement de leurs bouches et par les gestes qu’ils font. » « Etre sourd n’est pas un problème pour moi puisque je n’ai pas le temps de rabâcher (…) Je me sens heureux dans mon isolement. J’ai appris à écouter le son des couleurs, des choses à chaque minute où je tiens les yeux ouverts. Ceux qui ont pitié de moi ne se rendent pas compte comme je suis heureux d’être privé absolument de chaque bruit, de sorte que je peux, d’une façon concentrée, écouter la musique du silence. »

Charles enfant, à qui l’on avait tenté d’apprendre cette gesticulation labiale m’apporte la confirmation qu’il refusait cet exercice. « Je n’aime pas regarder une bouche qui parle. »

En 1924, il convole en justes noces à Stockholm avec Karin Meyer [1901-1996], peintre suédoise. Après bien des années de galère, ils s’installent en 1937 à Ravenbos – Valkenburg. Lors d’une de mes visites, il me dit avec un regard malicieux: « C’est ma petite Thiérache. » De leur union naissent deux enfants : Margit et Ragnar. Charles Eyck n’aura de cesse de faire leur portrait.

Portrait de Margit et Ragnar, enfants de Charles Eyck

Portrait de Margit et Ragnar, enfants de Charles Eyck