Au-delà des Océans

Entre deux escales, Pierre Noël passera ses moments de répit au cœur du bocage thiérachien en compagnie de son épouse Marthe Coulon, sculpteur. Il sera toujours en osmose avec la nature, un livre entre les mains près de l’âtre ou dans son minuscule atelier d’où sont sortis bien des croquis, des peintures et des laques. Il laissait libre cours à son imagination.

Pierre Noël

« Je crois qu’il avait deux Pierre Noël » selon Jean Ducros, rédacteur en chef de la revue de l’Association des Peintres officiels de la Marine, « celui qui écoute et celui qui donne. Quant un véritable artiste se retourne vers son passé et prend les dimensions de son œuvre, il traverse généralement des phases d’étonnement et d’angoisse. D’étonnement, car il est surpris par la masse de tout ce qu’il a vu, de tout ce qu’il a aimé, de tout ce qu’il a inventé, de tout ce qu’il a assemblé ou dissocié. Selon son tempérament, cette surprise est attendrie, ironique ou morose, et elle peut passer par trois états. Selon qu’il a conservé ou non par-devers lui, des éléments de toute sa vie de travail, sa surprise est plus ou moins forte. »

Portrait

Accrochées aux cimaises des musées ou chez des particuliers, les œuvres de Pierre Noël font figure de chef-d’œuvres. Elles connaissent un franc succès. Cet artiste persévérant était très estimé de ses compatriotes villageois pour son humeur, sa discrétion. Il se présentait volontiers une bouffarde en bouche, tel un capitaine au long cours.

Pierre Noël est né le 23 mai 1903 à Troyes (Aube) du déclarant Eugène Henri Marie Georges, capitaine au premier bataillon des Chasseurs à pied et de Cécile Clotilde Joséphine Marie Thérèse Cherfils, son épouse. Son grand-père, de la branche maternelle, était officier général de la Cavalerie, neveu de l’ingénieur Charles Noël, constructeur des ports d’Alger, de Gênes et de l’arsenal de Toulon dont un quai porte le nom.

Son père Georges a écrit une étude sur madame de Grafigny, femme de Lettres, amie des philosophes. Jean Ducros souligne « Ainsi, il s’est occupé de la correspondance de son bisaïeul [Gabriel Noël] dont les lettres transmettaient en direct la vie des armées de la révolution et de l’Empire ; volontaire des bataillons de la Meurthe, secrétaire particulier du général Dubois – vieux – sabreur illettré. Ce Noël vécut intensément certaines des heures les plus étonnantes de l’histoire, en particulier, celle de la bataille de Valmy. »

La mère de Pierre Noël était fille d’officier. Elle était descendante d’une famille de banquiers, les  » Doumerc ». Ils vinrent en aide à Ingres afin de lui assurer ses études. Ils ont eu à leur service le père d’Honoré de Balzac.

Pierre Noël fait connaissance avec « Damoiselle » Marthe Coulon. Elle fréquente l’Ecole nationale des Beaux-arts. Elle s’initie à la sculpture. En 1927, ils unissent leur destin et installent leurs ateliers respectifs à Paris, près de la Place Denfert-Rochereau. Leur amour se construit autour de leur similitude du sens artistique. Marthe Coulon contribuera à la notoriété de son époux.

Malgré leurs racines respectives sur fond de carrière militaire, Pierre Noël ne prendra pas les armes. Les seules qu’il maniera : Ses brassées de pinceaux et de crayons. Il effectue son service militaire au 2e Hussard de Tarbes. Jean Ducros souligne: « Il vécut tellement dans l’intimité des chevaux qu’il en oublia de les dessiner. » De retour à Paris, il fréquentera à Montmartre et Montparnasse les ateliers des maîtres et illustrateurs, René Lelong et Biloud.

Poussé par eux, Pierre Noël s’inscrira comme élève libre à l’Ecole des Beaux-arts avec pour thème : L’Anatomie et l’histoire de l’Art.