Le Village d'Ohis, au bord de l'Oise

Dans « Le cadet » , autre roman qui se déroule en Thiérache, et qu’il a situé dans sa jeunesse :

 » … De tous les monticules, au flanc de toutes les ravines, fluaient des ources. Dans tous les bas-fonds, barrés par de lents éboulis, s’étalaient des étangs. Non pas des mares stagnantes, mais des sortes de petits lacs incessamment renouvelés. Nappes sans profondeur pour la plupart, si bien qu’on y pouvait marcher, mouillé jusqu’à la cheville seulement, dans de véritables jungles d’osier. A toutes ces eaux doucement courantes, la contrée puisait une délicate fraîcheur, et à leurs murmures prenait une voix. Humide, non marécageuse, elle sentait bon le ruisseau ; et, dans le bourdonnement confus de la campagne, on distinguait nettement la chanson claire et susurrante qui gazouillait partout à fleur de terre. »

Jean Richepin, extrait de « Le cadet »

Sa mort

 » M. RICHEPIN est mort hier matin. Il aurait eu 78 ans le 9 février prochain. Avec l’auteur de la « Chanson des gueux » disparaît l’une des dernières figures pittoresques des lettres. Ce « révolté » finit académicien et commandeur de la légion d’honneur. »

 » M. Jean Richepin est mort, hier matin, à 6 heures, dans son hôtel particulier de la Villa Guibert, à Passy. Il y a huit jours, il avait pris froid dans un théâtre, pendant que l’on prenait sa photographie pour le mettre en tête du film tiré du « Chemineau ». Une bronchite se déclara, puis une congestion. Le mal fit des progrès rapides et quatre jours plus tard, le poète entra dans le comas. Son père, médecin militaire, tenait garnison ; mais sa famille était originaire de la Thiérache, dont la capitale Hirson, connut au dix-septième siècle un Richepin ménétrier… Et « Longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu… » Leurs chansons courent encore dans les rues… »

L’Excelsior, 13 décembre 1926.

Georges Brassens a peu chanté les paroles écrites par d’autres, mais il a chanté Lamartine, Antoine Pol, Paul Fort, Corneille et Tristan Bernard, Théodore de Banville, Victor Hugo, Verlaine, Louis Aragon, François Villon, avec peut-être une préférence à Paul Fort, dont il a mis cinq ou six poèmes en musique, et aussi Jean Richepin, dont il met en musique « Les oiseaux de passage », même si le texte du poème dans l’édition de « La chanson des gueux » de 1881 ne correspond pas exactement à celui de la chanson (la chanson ne reprend pas l’intégralité du texte publié), et « Philistins ». Aujourd’hui encore, Philistins est chanté par RENAUD.

Lorsque paraît le coffret réunissant les onze premiers albums de Georges Brassens, le critique René FALLET écrit :

 » Connaissez-vous Jean Richepin ? Non. Pas tellement. Pas beaucoup. Nous non plus. Il avait une barbe et était de l’Académie Française, ce qui n’inspire pas, surtout l’Académie, confiance en un poète. Brassens a pourtant trouvé dans l’oeuvre de l’apparent conformiste un beau cri de guerre au « bourgeois », ces bourgeois que l’on traitait de « Philistins », avant que Jacques Brel n’en fasse des cochons. Cette piécette sur les fantaisies de l’hérédité, sur ces malheureux épiciers et notaires procréant à leur grand dam « Des enfants non voulus – qui deviennent chevelus – Poètes », Brassens l’a aimée, l’a chantée avec pas mal de malice. Qu’il soit ici remercié pour l’avoir déterrée. Elle est toujours d’actualité. Ensuite, dans la présentation du dixième album de Brassens, qui comprend « La chanson des gueux », du même critique : « Depuis quinze ou vingt ans, les compagnons de Brassens connaissaient « Les oiseaux de passage » et la « Pensée des morts » qu’il avait mis en musique et leur chantait les soirs où cela lui chantait. Ils les avaient pieusement « piquées » pour la plupart au magnétophone. C’est une grande joie pour eux – et pour vous donc – de les retrouver sur ce disque. Quoi de plus « Brassens » que ces anarchistes d' »Oiseaux de passage », ces assoiffés d’azur, ces poètes, ces fous qui, du plus haut du ciel, défèquent sur la volaille terre-à-terre ? Puisse le chasseur qui entendra cet immense bruit d’ailes y regarder à deux fois avant de tirer sur le canard sauvage ! Puisse-t-il être troublé de « voir passer les gueux » !

Visitez le site d’Eric Mie consacré à Jean Richepin.
http://www.jeanrichepin.free.fr