Fourmies le 1er mai 1891 : il y a des coup de feu, des cris, une bousculade et la fuite. Le choc est terrible, 9 personnes ne se lèveront pas
Vers 1830/1840, la révolution industrielle est en marche. la machine à vapeur apparaît en Avesnois. La mécanisation transforme l’artisanat de textile en industrie. La région boisée et marécageuse possède un climat très humide particulièrement bien adapté à la fabrication du fil. Fourmies n’est encore qu’un bourg. En 1846 on y compte 3048 habitants et 2413 dans la proche commune de Wignehies. Cette dernière refusant d’utiliser ses terrains pour la construction d’une gare, c’est à Fourmies qu’on la construira.
Fourmies le 1er mai 1891 : les Conditions de vie et de travail
Fourmies connaîtra ainsi une croissance industrielle et démographique sans précédent. En 1890 on y recense 14771 habitants, contre 5704 à Wignehies. Les habitants des campagnes ainsi qu’une forte population belge wallonne migrent vers ce pôle industriel. Ce n’est pourtant pas l’eldorado. L’ouvrier est traité comme une bête de somme, il travaille au moins 12 heures par jour, souvent plus, dans des conditions de vie et d’hygiène déplorables. Il n’a pas de sécurité sociale, pas de retraite, il n’en a d’ailleurs pas besoin…Les maladies des bronches, les accidents de travail, les carences alimentaires amplifiées par ce fléau redoutable appelé » alcool » emportent rapidement la plupart de ces malheureux.
En 1804 il est décidé que l’ouvrier doit posséder un carnet qui le suivra partout. Tout est noté dans ce carnet : sa » moralité « , ses » fautes « , sa ponctualité etc. Si le carnet est mal annoté, l’ouvrier ne peut pas trouver de travail. Ce carnet a beau être supprimé en 1890, l’idée même de sa création est parlante. En 1841 une loi interdit le travail des enfants de moins de 8 ans et l’école laïque, gratuite est obligatoire. Cependant, les nécessités économiques des familles qui ont à peine de quoi vivre et les profits que les patrons peuvent tirer de salaires très bas, font que ces lois seront peu respectées. De plus il n’y a quasiment pas de contrôles, l’Avesnois se trouve au fin fond du sud du département et les corbeilles d’osier sont suffisamment grandes pour y cacher les enfants.
En 1864 un droit de grève très restrictif et partiel est voté. On peut alors former un syndicat…mais sous certaines conditions (syndicats de métiers). Au XIXe siècle les luttes ouvrières sont sévèrement réprimées. Il ne faut pas oublier les 15000 victimes, 5000 déportations des communards parisiens en 1871. La région connaît le chômage avec la récession de 1880/90 (dans l’acier, le bois, le verre…). Le mouvement ouvrier est mal organisé. Jules Guesde et Paul Lafargue fondent le parti ouvrier français, le 1er parti d’inspiration marxiste.
Fourmies le 1er mai 1891 : revendications
Le premier mai était depuis longtemps une date importante pour la population. Mais le choix de cette date pour entreprendre des revendications salariales trouve son origine aux USA, à Chicago en 1886. Les syndicats américains avaient organisé une grande manifestation ouvrière avec pour principale revendication les 8 heures de travail par jour. La répression fut très violente et fit une vingtaine de victimes. Les dirigeants syndicaux furent jugés » responsables » de ces » émeutes « , 4 d’entre eux furent pendus le 11 novembre 1887. Ils étaient accusés d’avoir lancé des bombes sur les forces de l’ordre, après enquête ils seront blanchis, il s’agissait en fait d’agissements d’éléments provocateurs payés par la police. Le mal est fait. Le congrès du POF choisit le 1er mai 1890 comme journée internationale de manifestation en mémoire des » martyrs » de Chicago. C’est un succès, aussi conserve-t-on la date du 1er mai. Cette journée, cependant, n’est guère suivie à Fourmies. Hippolyte Culine (Sedan 6 mars 1849) arrive à Fourmies en 1888 dans le but de former un syndicat local et à créer une caisse de secours. Il fonde 2 associations ouvrières, une à Fourmies, l’autre à Wignehies et engage une action militante. Paul Lafargue, leader du POF, rejoint Culine pour préparer le 1er mai 1891. Les délégués d’usine vont réclamer : la création de bourses du travail, la réduction du nombre des amendes, des horaires d’entrée et de sortie semblables pour toutes les usines et l’obligation d’un préavis de 8 jours en cas de licenciement. La journée de 8 heures reste la principale revendication.