On constate, d’après ces chiffres, que l’aspect général de la Thiérache est celui d’une région de culture. Cependant, dans quelques villages, la tendance s’inverse, avec un premier palier où les surfaces en herbe deviennent de même importance que les surface à labourer.

Mais déjà, vers 1850 -1870, la tendance se prononce en faveur des prés et pâtures, selon les communes :

A Fesmy en 1870: Terres labourables : 602 ha. Prés et pâtures : 557 ha. Bois : 3 ha. Jardins potagers : 12 ha. Terres labourables : 768 ha. Prés et pâtures : 717 ha. Bois : 32 ha. Jardins potagers : 28 ha. Vergers et terres plantées : 3 ha. Oseraies : 0.24 ha.

A Boué en 1870: Terres labourables : 148 ha. Prés et pâtures : 339 ha. Bois : 457 ha. Jardins et vergers 104 ha. Bois de haute futaie : 410 ha. Oseraies, houblonnières 2.1 ha. Parfois, c’est le pré-verger qui occupe la plus grande place , ou la forêt :

A Bergues en 1870: Terres labourables : 3 ha. Prés et pâtures : 202 ha. Bois : 4 ha. Jardins potagers : 3 ha. Vergers : 204 ha.

Au Nouvion en Thiérache en 1870: Terres labourables : 27 ha. Prés et pâtures : 1539 ha. Bois : 3231 ha. Jardins potagers 22 ha.

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Fin du XIXème, et antérieurement, on constate donc que la prédominance de l’utilisation des terres est la culture. C’est la mécanisation, difficile à implanter en Thiérache pour deux raisons, qui va provoquer la modification du paysage. La première est économique, liée au peu de revenu à l’hectare que permet la culture, en fonction de la nature du sol et de la rigueur du climat. L’agriculteur de Thiérache, qui exploite en général de faibles surfaces, est rarement en mesure d’invertir pour sa mécanisation. De plus, la même faiblesse des rendements fera que la rentabilisation de l’investissement est longue.

La seconde est liée à la topographie : le vallonnement est peu propice à l’action des premières machines à vapeur, lesquelles demandent : des terrains plus plats, des surfaces plus grandes. Il en existe peut-être une troisième : l’extrême morcellement des parcelles, qui interdit qu’on installe une locomobile à vapeur pour y tirer les charrues. Devant cette situation, un seul remède alors : la transformation de la culture en élevage. De plus, la qualité des terrains et la nature du climat, plutôt pluvieux, permettent de bons rendements en herbe, alors que la présence du silex dans l’argile est « mortelle » pour les socs de charrue. La vache laitière s’installe, et les gares, nouvellement implantées, permettent des expéditions croissantes en beurre et en fromage.

Le bocage se crée, par l’implantation de clôtures à partir de haies vives, composées d’épines et souvent de charmes, qui seront cultivés en têtard, ce qui ajoute une production de bois de chauffage, et permet de créer des abris pour les troupeaux de vaches. En fait, l’actuelle tendance de re-transformer les pâturages en terres labourées, n’est qu’un retour aux sources, même si cette fois, la production est plutôt dirigée vers les produits fourragers tels que le maïs. Le complément en céréales est souvent utilisé localement, et d’ailleurs la production de paille est un élément intéressant l’agriculteur. L’autarcie permet la diminution des coûts de production des produits laitiers. Mais il arrive également que de « grands » propriétaires, exploitant des surfaces importantes dans le Laonnois, pratiquant des assolements du type Blé-Betteraves et Sports d’hiver, considèrent qu’il est plus intéressant de mettre leurs terres de Thiérache en jachères, et de pratiquer le difficile exercice de la gestion des « subventions ». Au besoin d’ailleurs, ils n’hésitent pas à investir en Thiérache, en achetant des exploitations, et en les transformant en jachères, la valeur de l’hectare y étant inférieure que dans les fortes régions de culture, et l’investissement rentable eu égard aux rendements du Laonnois ou des plateaux du Soissonnais. L’effet indirect de ces transactions est une certaine revalorisation du prix de l’hectare en Thiérache, alors que celui-ci, depuis quelques années était descendu bien bas.