Et pour la ville de GUISE ?

En ce qui concerne la ville de GUISE, les dégâts furent importants. Voici à ce sujet le témoignage d’un évacué qui vient de regagner GUISE(2) : «Ce ne sont que vestiges de carnage, de tuerie, de bidons, armements tordus, chevaux tués. Plus loin, des tertres, encore des tertres, où reposent Français et Allemands. Le fort incendié, le toit démoli, les maisons en ruine, le Familistère détruit. Sur la place d’armes, une horreur : la statue de Camille DESMOULINS est coiffée d’un casque de prussien et arbore un drapeau allemand.» GUISE est frappée d’une amende de cinq francs par habitant, soit trente sept mille cinq cents francs.

Toutes les localités de la vallée de l’Oise, depuis ETREAUPONT jusqu’à RIBEMONT souffriront cruellemnt. Les villages d’AUDIGNY, PUISIEUX, SAINS- RICHAUMONT, LE SOURD, COLONFAY sont durement éprouvés aussi. A cette date, le donjon du château n’a pas encore souffert. Il ne sera détruit que lors des bombardements de 1918.

Pendant ce temps, à Montcornet : (6)

« Le 29 Août, après le passage des émigrés et des troupes (plus de trente mille civils et peut-être cinq mille soldats belges sans compter les bataillons français), c’est la panique. C’est au tour des Montcornetois de suivre ce flot immense vers le Sud. Deux gendarmes ont amené dans la journée un dragon allemand fait prisonneir vers Plomion. On a réquisitionné une auto pour le mener à Laon. M. le Maire a pris place près du prisonnier pour, dit-il, demander des renseignements et les consignes à suivre au Préfet. Les événements s’emballent : il lui sera impossible de revenir dans sa commune. Les partants, dans leur majorité, ont dû rebrousser chemin pour se retrouver à leur point de départ : envahis. »

La Bataille de Guise

Un peu plus tard, (Septembre 1914) (6)

« Les habitants de Montcornet ont pu dès le 12 septembre prendre conscience de l’horreur de la guerre avec le passage des convois de blessés. Voici plus d’un mois que les angagements ont eu lieu. La région é été à l’écart du champ de bataille. Maintenant, dès le 12 septembre, dans le flot de la circulation, sur la route ou par le chemin de fer, les blessés se font de plus en plus nombreux, plus de trois cents dans une même journée. Des maisons et des écoles sont réquisitionnées comme hôpitaux provisoires. Au loin, on entend toujours le canon gronder inlassablement. Des prisonniers français font aussi partie de ces lamentables convois, salués par des hourras et des chants. Ils seront logés provisoirement sur de la paille sous la halle du marché couvert de l’Hôtel-de-Ville, pour une nuit seulement. Les infirmières allemandes qui accompagnent les blessés souvent s’effondrent de fatigue dans les fossés pour dormir jusqu’à 24 heures de suite. De jeunes françaises, parfois âgées de moins de 14 ans, se relaient pour assurer les soins à ces malheureux ! Les routes où circulent ces sinistres convois sont rougies par le sang ! Montcornet accueillera pas moins de quatre mille blessés en deux semaines ».

L’occupation s’organise. Noircourt, septembre 1914 (6)

« Une centaine de soldats prussiens ont pris possession du village et ont fouillé consciencieusement les maisons des caves aux greniers, sortant des demeures et des granges toujours les bras chargés de toutes sortes d’objets. De la ferme du château, disparaissent ainsi douze chevaux, cinq chariots et du matériel divers. Les HUE et les DIAS pour conduire les chevaux sont remplacés par des VOR et ZURUCK que les pauvres animaux ne comprennent pas. Le 21 septembre, c’est la Kolonne 15, régiment 22 de la VIIème armée qui s’installe dans le village, en particulier dans la belle maison de Monsieur LOCAR et à la gare. Pour la preumière fois flotte à NOIRCOURT, le drapeau germanique noir-blanc-rouge. Le pillage des réserves (conserves et caves) entretient les banquets bien arrosés des occupants. A leur départ, le lendemain, les enfants du village se précipitent à la gare pour ramasser les restes de leur passage, et bourrent leurs poches de … billets de chemin de fer, par les faits, gratuits, qui ne leur serviront guère plus tard. »

Le canon tonne toujours sur LAON et SISSONNE. Proclamation du « grand quartier général » (6). Rozoy-sur-Serre, novembre 1914.

Nous voici arrivés le 15 novembre. Les premières neiges tombent tout comme une proclamation par voie d’affiche où l’on peut lire : « L’Allemagne fait la guerre qui lui a été imposée par la diplomatie de la Triple Entente seulement et uniquement contre le force militaire de la France et de ses alliés. La population civile des régions occupées par nos troupes n’a rien à craindre tant qu’elle se conformera strictement aux lois de la guerre et à nos ordres. Margré nos différentes proclamations dans ce sens, quelques indigènes se sont laissés entraîner à commettre des actes répréhensibles au détriment des intérêts militaires. En agissant ainsi, ils se sont mis eux-mêmes en dehors des rangs de la population civile. Ils perdent en conséquence les avantages attachés aux personnes, ne se trouvant pas dans les armées ennemies. J’exhorte la population civile de nouveau à s’abstenir de tout acte d’hostilité contre nos troupes. Elle doit s’abstenir de même de tout appui donnés à nos ennemis militaires. Toute contravention sera réprimée d’après les lois de la guerre qui seront appliquées avec la dernière rigueur ». On verra plus loin dans quel état sera la population civile cinquante deux mois plus tard… Ma mère, quand à elle, est née à OHIS en juin 1913 et avait donc un peu plus de cinq ans à la fin de la guerre. Elle se souvient encore du goût détestable des choux-navets pourris, que son grand-père (son père, lui, était à Verdun et a eu la chance d’en revenir…) avait réussi à « chouraver » dans un silo de légumes installé en pleins champs à Wimy… C’était alors la seule chose qui avait échappé à la surveillance de l’occupant… En 1929, un monument était élevé à GUISE, à la gloire de l’armée Française et de LANREZAC, à la suite d’une souscription nationale.Mais aussi : vu du côté des Allemands.

La bataille de GUISE, Bataille de Saint-Quentin pour les Allemands, vue par le Général von Kuhl.

Le texte en Allemand, du Général von Kuhl a été édité au lendemain de la guerre, en 1920. La traduction française du Commandant Koeltz, est sortie en 1927, chez Payot. Ce texte propose une analyse comparative des théories en présence. Le sixième chapitre : « Les opérations allemandes jusqu’à la bataille de la Marne », qui comprend : « Les 2e et 3e armées les 25 et 26 août » ; continuation du mouvement vers le Sud-Ouest ; Envoi de deux corps d’armée sur le front oriental. L’obligation de céder une division à la 2ème armée pour l’attaque de Maubeuge amena le commandement de la 1ère armée à poser la question suivante à la Direction suprême : « la 2ème armée veut attaquer Maubeuge avec 3 divisions et demande une division de la 1ère armée. La 1ère armée est-elle encore subordonnée à la 2ème ? Le 27 au matin la Direction suprême répondit que la subordination de la 1ère armée à la 2ème etait levée. Maubeuge doit être investi uniquement par la 2ème armée ». Les opérations sur la Sambre et la Meuse avaient amené les 2ème et 3ème armées à marcher l’une vers l’autre presque à angle droit. Il était maintenant nécessaire de les redresser en direction nettement sud-ouest pour les empêcher de se pelotonner et pour garder le contact avec la 1ère armée qui exécutait un mouvement débordant pour envelopper l’ennemi. La 2ème armée qui se trouvait le 24 au soir à l’est de Maubeuge, face au sud, sur la ligne générale Beaumont-Florennes, poursuivit l’ennemi, les 25 et 26, en direction du sud-ouest et atteignit le 26 la ligne Aulnoye-Boulogne (sud d’Avesnes)-Ohain. Le 1er C. C. et la 14ème D. I. qui marchaient à l’aile droite (la 13ème D. I. était restée devant Maubeuge) reçurent l’ordre de prendre la direction d’Aulnoye-Le Cateau pour arriver sur les arrières des Anglais. La 3ème armée ne suivit pas tout à fait le mouvement de la 2ème, mais marcha dans une direction sud plus marquée ; elle se porta le 25 jusqu’aux environs de Mariembourg, le 26 jusqu’aux environs de Rocroi (sur la ligne Regnowez-Rocroi-les Mazures). Entre les 2ème et 3ème armées une brèche menaçait de s’ouvrir. Le siège de Maubeuge fut confié au général von Zwehl, qui disposa dans ce but du VIIe C. R. et de la 13ème D. I., mais cette dernière fut renvoyée par la suite à la 2ème armée et ne laissa devant Maubeuge qu’une brigade d’infanterie renforcée. Le 26 un ordre néfaste de la Direction suprême arriva aux 2ème et 3ème armées :  » En vue d’être transportés aussitôt que possible dans l’est, les éléments suivants seront mis en marche le 26 : éléments disponibles du corps de réserve de la Garde en deux colonnes, séparés par division d’infanterie, sur Aix-la-Chapelle ; éléments disponibles des divisions d’infanterie du XIe C. A. sur Malmédy-Saint-Vith. «Les effectifs de la 3e armée tombèrent de ce fait à deux corps d’armée et demi, quand à partir du 26 août la 24ème D. R. eut été détachée pour assiéger Givet.

Les journées des 27, 28 et 29 août

La 1ère armée prend la direction de Péronne. Contre-offensive Française contre la 2e armée à Saint-Quentin. Les 4e et 5e armées combatttent pour les passages de la Meuse.

Après la bataille du Cateau on n’était pas nettement fixé sur la direction de retraite des Anglais. Le 27 au, matin on avait bien des renseignements signalant la marche de fortes colonnes ennemies de Landrecies sur Guise (le ler C. A. Anglais suivit effectivement cette direction le 26) et la marche d’une colonne sur Saint-Quentin par Estrées (nord-ouest de Saint-Quentin) (le 2e C. A. Anglais suivit effectivement cette route les 26/27). D’après des déclarations de prisonniers parvenues le 28, French était resté à Noyon jusqu’au 27. Il y aurait eu dans cette ville de 4.000 à 6.000 hommes et des forces plus importantes à Saint-Quentin. Il était possible cependant, d’après l’ensemble de la situation, que les Anglais prissent une direction sud-ouest plus accentuée afin de ne pas se laisser couper des ponts. Pour ce motif et pour continuer le mouvement enveloppant de l’aile droite de l’armée en direction du sud-ouest, mouvement interrompu par la bataille de Namur, la 1ère armée prit le 27 la direction de Péronne.

La Bataille de Guise

Le IXe C. A., retenu devant Maubeuge, fut rameuté à l’aile gauche par de fortes marches. L’aile droite (IIe C. A. et 2e C. C.) reçut pour mission de marcher par Combles et d’empêcher l’ennemi de s’échapper au nord de la Somme en aval de Péronne. L’armée atteignit le 27 au soir la ligne Combles-Joncourt (au nord de Saint-Quentin) et s’empara le 28 de la coupure de la Somme depuis Bray jusqu’au nord de Nesle. Le Q. G. de l’armée se rendit à Villers-Faucon. Le 29 la 1re armée s’avança jusqu’à la ligne Villers Bretonneux-Chaulnes-Nesle. Au cours de ces journées les forces françaises qui avaient été jusqu’alors peu nombreuses et de faible valeur, se renforcèrent d’une façon visible dans le flanc droit de l’armée. Les 27 et 28 des rencontres avaient eu lieu dans la région de Combles avec la 3e D. C., les 6le et 62e D. R. et une division territoriale françaises au cours desquelles les Français avaient été battus. Le 29 le IIe C. A. se heurta à Proyart à de forts éléments du 7e C. A. français ainsiqu’à des bataillons de chasseurs alpins de réserve qui furent complètement battus et refoulés au delà de Villers-Bretonneux. D’autres rencontres eurent lieu également au sud de Chaulnes. Nous eûmes l’impression que l’ennemi jetait toutes ses troupes encore disponibles au-devant de la 1re armée pour arrêter son avance. Nous avions jusqu’alors identifié au total : les 61e et 62e D. R. qui s’étaient repliées, semblait-il, d’Arras sur Péronne pour nous devancer sur la Somme ; en outre, comme auparavant, les 81e, 82e, 84e et 88e D. T., le corps de cavalerie Sordet (1re, 3e et 5e D. C.), un certain nombre de bataillons de réserve de chasseurs alpins, qui d’après des déclarations de prisonniers avaient été débarqués à Amiens ; la 14e D. I. du 7e C. A. rameutée de Mulhouse sur Amiens par Paris, débarquée le 27 et poussée sur Proyart.

La Bataille de Guise

Des débarquements de troupes semblaient avoir eu lieu le 29 à Amiens, Moreuil et plus au sud. Roye était signalé comme occupé par l’ennemi. D’après des ordres tombés en nos mains ces troupes formaient le détachement d’armée d’Amade, qui, ainsi renforcé, avait pour mission de couvrir le flanc gauche des Anglais. Le 2e C. C. reçut en conséquence l’ordre de se porter sur Montdidier et d’éclairer en direction d’Amiens, de Paris et de l’Oise ; pour couvrir le flanc et les communications de l’armée le IVe C. R. fut envoyé vers la région de Combles. Il se porta sur Albert et refoula de faibles forces ennemies. Comme il ne disposait d’aucune aviation et n’avait pour le moment que trois escadrons, les trois autres étant employés ailleurs, l’exploration sur le flanc ne put être qu’insuffisante. Il aurait été indiqué de laisser une division du 2e C. C. à l’aile droite. L’état-major de la 1re armée se rendit le 29 au matin à Péronne. Des fractions importantes des unités françaises citées avaient déjà été sérieusement battues. L’intention du commandement de la 1re armée était de disperser tout d’abord complètement « le groupement français en voie de rassemblement « avant qu’il n’eût reçu de nouveaux renforts. Mais il lui fallait ensuite prendre une décision sur les opérations ultérieures. Les Anglais paraissaient s’être repliés en direction du sud et du sud-ouest. La 1re armée ne pouvait donc continuer dans la direction fortement sud-ouest qu’elle avait suivie jusqu’alors, car elle pouvait en être disloquée. C’étaient les opérations générales contre les Français qui devaient maintenant passer au premier plan. Nous admettions que ceux-ci étaient en retraite vers une position située derrière l’Aisne et s’étendant par Reims-Laon-La Fère vers la Somme. Cette position devait être enveloppée. Un officier de l’état-major avait été envoyé en conséquence le 28 après-midi à la 2e armée pour lui proposer de converser vers l’Oise, l’aile droite de la 2e armée marchant sur Compiègne-Noyon, en s’échelonnant fortement à droite face de Paris, la cavalerie d’armée se portant en partie sur Paris, en partie sur Soissons. De ce fait les Anglais seraient en même temps coupés de la façon la plus efficace. L’officier communiqua à cette occasion à la 2e armée que selon l’opinion du commandement de la 1re armée les fortifications de Laon-La Fère et Fourdrain étaient déclassées, de faible valeur, sans puissance offensive et vraisemblablement désarmées. Le moment était-il venu pour la 1ère armée de converser à gauche ? Seule la Direction suprême pouvait l’apprécier et le prescrire. En tout cas la 1re armée ne pouvait pas conserver la direction Amiens-Roye qu’elle suivait à ce moment-là. On pouvait déjà se rendre compte que ses forces ne seraient pas suffisantes pour un mouvement débordant aussi large. Mais on ne pouvait pas non plus songer à exécuter vers l’Oise une conversion aussi forte que celle que proposait la 1re armée. Si les Anglais se repliaient effectivement par Saint Quentin, approximativement sur Chauny-Noyon, il fallait admettre que les Français, se liant à eux, infléchiraient l’aile gauche de leur position de la région La Fère-Laon sur Compiègne par Chauny ou qu’ils continueraient leur retraite. Dans les deux cas il n’était pas encore indiqué pour nous de converser vers l’Oise. Si les éléments d’armée français nouvellement apparus sur la Somme étaient dispersés, il aurait été préférable pour cette raison de marcher tout d’abord en direction générale de Montdidier- Noyon par Roye. Les mesures à prendre ultérieurement devaient être réservées.