Le bourg, patrie de l’aviateur Jean Mermoz, doit son nom à deux cours d’eau, l’Aube et le Ton.
Ils se jettent dans l’Oise à Etréaupont. En 1169 Albenton, du Xème au XVIIIème puis Aubenton en Vermandois et enfin Aubenton en Thiérache. Dès le 2ème siècle, Aubenton est une terre d’invasions. Les conflits meurtriers débutent principalement à partir de la guerre de Cent Ans.
En 1340, la soldatesque du comte de Hainaut massacre la population et brûle la bourgade. En 1521, 1591, 1648 et 1650, Aubenton est assiégé. Ce n’est que tueries, pillages, famine. En 1810, la ville est occupée par les cosaques russes, l’année suivante par les Prussiens. En 1914 la « Grande guerre » est déclarée, celle qui devait être « la der des ders ». Deux décennies plus tard, les troupes d’occupation allemandes découpent le territoire français et décrètent la région « zone interdite ». Les habitants la peur au ventre évacuent en Vendée, Mayenne ou vers les Deux-Sèvres.
Terres à conflits armés
Le village qui a été pied à terre des princes de Condé est loin s’en faut, une terre promise. Au XIIème siècle, les habitants sont touchés dans leur chair par la peste et la lèpre ; un cadeau des seigneurs au retour de croisade en Terre Sainte! Que d’engagements de ces seigneurs dans les guerres qui se dérouleront entre le XIV et XVIème siècle! Les conflits successifs ne réservent guère de beaux jours aux aubentonnais. Ils ne comptent plus les passages des armées et les hordes de pillards sans foi ni loi! Au XVIème siècle, les terres de Chimay et de Beaumont (Belgique) sont convoitées sous la collation de Jean de Pierrepont, seigneur de Beaumé ; de Jean de la Bove et d’autres sous même bannière. Ils prennent, pillent et brûlent la province du Hainaut. Les dévastations sur les terres du comte de Hainaut amènent à un compromis. Il est signé à Aubenton. Erreur stratégique fatale. La vengeance étant un plat qui se mange froid, le comte de Hainaut consulte son Parlement à Mons et fixe les « leçons » à infliger à la France.
Passé au fil de l’épée
Le comte de Hainaut ordonne à ses chevaliers et à ses écuyers de « mettre à sac » les bourgs d’Aubenton et de Brunehamel et de semer la terreur et le meurtre. La population informée de cette incursion imminente relève les palissades et reçoit de Jean de Bosmont, seigneur, le renfort cinq cents hommes en armes. Peine perdue. 15 à 2000 hommes, femmes, enfants périront sous le fil de l’épée. Aubenton riche de ses étoffes et de son vin [droit de vinage en 1259 sous Nicolas VI] est pillé, incendié et spolié de ses richesses. Elles seront chargées sur des charrettes pour être conduites à Chimay. Après un tel massacre les survivants dénommeront deux passages, l’un Ruelle du sang, l’autre Ruelle du sac sur la rive droite de la rivière Ton. Lors d’une séance du conseil municipal en 1960 les élus du peuple envisagent de rebaptiser ces « boyaux. » Ce qui n’est pas au goût de la population aubentonnaise. Elle tient à garder la mémoire du passé. Le dossier est enterré!
Les impériaux en Thiérache
Au XVIème siècle, François Ier s’engage dans une offensive avec pour adversaire un dénommé Charles Quint, nouvel empereur. Les impériaux au nombre de 35000 hommes placés sous le commandement de Nassau dresse le siège devant Mézières le 26 septembre 1521. La place est fortement défendue par d’Orval, lieutenant du roi de France en Champagne, et le Chevalier Bayard. Le duc de Nassau général de Charles Quint ne parvenant à s’imposer lève ses troupes, bat en retraite sur la Thiérache. Il brûle et saccage tout sur son passage. Aubenton n’est pas épargné. Charles Quint ne désarme pas, il a ferme intention à s’approprier le Royaume de France et en découdre avec La Capelle. En 1543, François Ier afin d’opposer un rempart aux troupes espagnoles qui occupent la Flandre fait construire en 1546 par Louis Martin, prévôt de Rumigny (Ardennes) le Manoir de la Cour des Près et ordonne la construction d’une forteresse à La Capelle en Thiérache (Aisne). Aubenton est pratiquement dépourvu de toutes défenses « acceptables ». En 1400, les autochtones avaient bien élevé le long de la rivière le Ton une porte fortifiée et son pont-levis qu’ils avaient placé sous le vocable de saint Nicolas! La population sera passée par le fer sans distinction de sexe, ni d’âge. Les églises et abbayes de Foigny, de Saint Michel et de Bucilly sont pillées et incendiées par les Espagnols. Le traité de Crépy le 18 septembre 1544 ratifié par celui de d’Ardres le 8 juin 1546 met un terme aux hostilités entre le Royaume de France et le Hainaut espagnol. Sous Louis XIII les rivalités reprennent pour la guerre dite de Trente Ans. La Thiérache est de nouveau malmenée.
Le château d’Apremont
Sous le régime d’Henri II (XVIème) l’histoire évoque: « En 1551, deux compagnies de la garnison d’Aubenton commandées par le capitaine Jean d’Audigny et Lalande marchent vers le fort d’Apremont occupé par les impériaux de Charles Quint ». Ce château fût construit au XIIIème siècle par Gobert VI, sire d’Apremont de Lorraine. Il voulait sur terres ardennaises de Romagne une réplique de son château de Lorraine. Point question de faire amalgame avec Apremont à proximité de Rozoy-sur-Serre. Apremont en pays Axonais n’a eu de fort, ni de château.
Crions Famine !
Il faut survivre. Louis XIV, roi dépravé ne pense qu’à guerroyer, il oublie son peuple! On meurt de faim dans les chaumières. Un dénommé Massillon en 1740 adresse une requête auprès de Fleury, ministre des finances de sa gracieuse Majesté : « Monseigneur, les peuples de nos campagnes vivent dans une misère affreuse, sans lit, sans meubles. La plupart la moitié de l’année, ils manquent de pain, d’orge et d’avoine qui fait leur unique nourriture et qu’ils sont obligés de s’arracher de la bouche et de celles de leurs enfants pour payer leur imposition. » Cette supplique est rejetée par le roi. Que ces gueux aillent au diable! Au XVIII, XIX et XXème s’abattent d’autres calamités, souffrances et désastres. A chaque siècle son lot d’infortunes et d’infortunés!
Notre Dame d’Aubenton
L’église Notre Dame d’Aubenton placée sous le patronage de la « Vierge Bleue » est édifiée dès 1044 sous saint Louis. Elle passera sous tutelle de l’Abbaye de Saint Michel en Thiérache jusqu’à la révolution. Le portail gothique est doté d’un bas relief « l’Agneau Divin ». Nicolas V de Rumigny au retour de sa croisade en Terre Sainte voulait marquer sa victoire et l’impuissance de ses ennemis. A l’intérieur de l’édifice cultuel la nef se contemple. Un plafond-plancher très élevé, formé de caissons carrés de bois polychromes, est posé entre 1682 et 1685 aux frais de Mademoiselle de Guise de la famille de Lorraine. L’ensemble est repeint dans ses couleurs primitives en 1840. Durant la période révolutionnaire l’église Notre Dame sera interdite de liberté de cultes. Elle devient un temple dédié à la déesse Raison. L’édifice est transformé en théâtre où se jouent des pièces burlesques et dans lequel on ripaillait voire plus si affinité! L’église reprend ses droits au catholicisme en 1802. Le mobilier (orgues, confessionnal, stalles, chaire, porte de sacristie et tableaux) provient de l’Abbaye de Bucilly rasée par les sans-culottes. Il en est fait l’acquisition le 16 janvier 1791 sur délibération du conseil général de la commune. L’ensemble est classé aux monuments historiques en 1931. Les vitraux [1977], sur les bas côtés nord et sud près de l’escalier de l’orgue, sont du peintre-verrier hollandais Charles Eyck qui, en 1962, recouvrait les murs intérieurs de l’église de Jeantes-la-Ville de 400 m² de fresques et peintures murales. Sur le côté Nord le « Moustier », tour en pierres blanches servira de refuge aux habitants lors des grandes invasions. Le portail est frappé d’un bas-relief représentant les tables surmontées d’une rosace. Cette tour vétuste condamnée par une palissade peu esthétique est interdite d’accès au public.
Çà vous fiche le bourdon !
Les cloches étaient au nombre de six, les révolutionnaires ne laisseront que la petite et la grosse. Le bourdon muni d’un battant nouveau se brise en 1860 jour de la Toussaint en sonnant les morts. Le bedeau aurait-il trop puissamment tiré sur la corde ? Elle portait l’inscription : « Je suis nommé Charlotte par Roland de Carowelle, escuier, seigneur de Fontigny ; Bois Jacque et d’Orte, pour moitié, gouverneur d’Aubenton, capitaine de Rumigny, parin et damoiselle Charlotte de Carowelle, femme de Jean Pétré, escuier, seigneur de Many, maître des forges de Sougland [Saint Michel en Thiérache – Rochefort], marène ; Pierre Masson, doyen et curé d’Aubenton ; Roland Dobsen, mairre ; Jean Trumet et de Thierry Revière ; Michel Cury, marguillier. » MIL. VIC. XL. [1640]. Au-dessus de cette inscription se trouvait un écusson aux armes de la famille Caruel, capitaine, gouverneur de la place d’Hirson. A la guerre 14-18, le 23 décembre 1916, avant-veille de Noël, les cloches sont récupérées par les Uhlans. La petite se brise en heurtant le sol. Que de belles bouches à feu en perspective !
Nécropole
En consultant les registres paroissiaux nous remarquons que des membres du clergé ainsi que des bourgeois et des notables sont inhumés dans l’église Notre Dame dont en 1694, Marguerite Basset, veuve de messire de Faugat, chevalier de Balan ; En 1717, Fleury Fassardi Dupuis, procureur du Roi ; 1770, Nicole Naudin, veuve en premières noces de Me Bévière des Anaux, capitaine de cavalerie, chevalier de l’Ordre de saint Louis et en secondes noces, de messire Joachim de Maudreville, sieur de Villard ; En 1771, messire Jean Louis François de Saint-Aubin, écuyer, ancien aide-major d’Ypres, chevalier de l’Ordre de saint Louis, garçon dont la famille était établie dans le château de Lamery, rue des Maupins à Besmont.