L’église est de toute beauté. Il est peu de cathédrales en France aussi belle et aussi vaste. Mais c’est un bâtiment bien inutile pour un si petit nombre de religieux. La vaste étendue, d’ailleurs, de tous les bâtiments de cette Maison, dont les religieux ne peuvent occuper que la moindre partie, et le peu d’ordre qu’il y a dans l’administration économique font connaître qu’ils tombent en ruine, et cela est dommage, vu leur grandeur qui frappe encore plus au milieu de la campagne dans un pays retiré, sans parler de quelques morceaux fort beaux tels que deux escaliers qui par leur coupes hardies font l’admiration des curieux. »
Détour à Etréaupont
« Continuant donc de me promener le long de ce ruisseau, j’allai à Etréaupont, village très considérable où le Ton se jette dans l’Oise et je me rends chez M. le Marquis de Cerni qui est le seigneur du village. J’y vis sa femme qui a beaucoup d’esprit et sa fille qui a plusieurs talents. Etant revenu d’Etrée-au-pont à Foigny, je fis une autre course à Vervins, petite ville de Thiérache, intendance de Soissons et diocèse de Laon, capitale du territoire de même nom, qui appartient maintenant à M. le Duc de Coigny. En y allant, je trouvai de la marne qui est bonne pour fumer les terres et qui n’est autre chose que des débris d’animaux marins, on la répand dans les champs. La pluie et le soleil par leur alternative en dissolvent les sels, qui entrent dans la superficie de la terre et suffisent pour l’engraisser dix ou quinze ans d’un peu de fumier qu’on y ajoute tous les deux ou trois ans.
La petite ville de Vervins, située sur une petite colline qui contient près de 2 000 habitants, est surtout célèbre par le traité de paix qu’on y conclut en 1598 entre le roi Henry le grand et Philippe II roi d’Espagne, par lequel ces deux puissances convinrent de rentrer en possession de ce qu’elles possédaient déjà avant la guerre. La paroisse de cette petite ville est assez belle et remarquable par les tombeaux des Coucy qui ont été seigneurs et qui ont encore leur chapelle. Le commerce de Vervins consiste surtout en bleds que l’on transporte dans le Hainaut et dans d’autres provinces. On y fabriquait autrefois des limons et des baptistes et des cambrais et on y filait beaucoup de chanvre, mais maintenant cette branche de commerce est tombée et Montcornet l’a emporté sur Vervins sans qu’on ait pu m’en dire la raison.
Nous partîmes à cet effet et nous nous rendîmes à Baurain. Comme j’étais avec un évêque, nous nous rendîmes chez le curé du village. Il nous reçut très splendidement et même avec trop de profusion. Mais les curés de village croient que pour un seigneur évêque on ne surait trop faire de dépenses. Il avait prié de lui tenir compagnie, tous les curés des villages voisins, de sorte que le repas était somptueux. On trouve quelques fois dans les curés de village des gens d’esprit et de bon sens. Celui est plutôt du genre des derniers. Il m’a paru humain, il m’a semblé qu’il se plaisait à faire du bien à ses paroissiens et qu’il en était aimé »