Bien que présente dans la région depuis l’antiquité, l’industrie du fer n’a réellement pris son essor que vers le 15ème siècle.

Le besoin en fer se fait sentir non seulement pour la vie quotidienne : outils, clouterie, cerclage de tonneaux mais aussi et surtout pour la fabrication d’armes.

Reconstitution de l'ancien centre sidérurgique de Chimay entre les XIIeme et XIX eme siècle

A cette époque, la Thiérache était sous la domination des ducs de Bourgogne. Ces derniers étaient en guerres fréquentes avec le Roi de France. Les atouts de la Thiérache étaient multiples pour l’implantation d’une telle industrie. Tous les éléments nécessaires y étaient réunis (les usines étaient loin de ressembler aux laminoirs actuels).

– Le bois : C’est la source d’énergie principale, il servait à alimenter les fourneaux et à maintenir une chaleur suffisante pour la fusion. A cette époque, la Thiérache était recouverte d’un massif forestier important.

– L’eau : Les cours d’eau sont nombreux, notamment : l’Oise, l’Helpe, l’Eau Noire.

– Le minerai : Pas besoin de grandes excavations, on trouve directement à fleur de sol des oxydes de fer.

Ces trois ingrédients réunis dans une seule région ont suffi aux Princes de Croÿ pour stimuler cette industrie. C’est par leurs lettres patentes que l’on peut dater approximativement l’essor des forges : vers 1400. Les forges étaient implantées le long des rivières afin que l’énergie hydraulique puisse faire fonctionner les marteaux comme elle faisait fonctionner les meules d’un moulin. Cependant, la force fournie par les rivières pouvait s’avérer insuffisante au bon fonctionnement de ces marteaux. Afin de remédier à cet inconvénient, on construisait des viviers parfois successifs pour créer artificiellement l’énergie suffisante.

gravure représentant la Forge de la Foulerie à Couvin, en 1830

Une fois implantée restait à trouver les deux autres éléments majeurs. Le défrichage des forêts (car c’est bien de cela qu’il faut parler) a été réalisé par des bûcherons et des scieurs de long. Ces derniers qui travaillaient toujours par deux venaient parfois de très loin pour accomplir leur tâche. Arrivés des Vosges, du Puy de Dôme, du Gers, en une ou plusieurs étapes, ils arrivaient vers septembre pour repartir dans leur famille vers mai/juin avec l’argent ainsi gagné. Durant l’époque de coupe, ils vivaient généralement dans des cabanes sur le lieu même de leur travail. Le bois était ensuite traité soit sur place soit un peu plus loin. Le transport étant organisé par des « boeuftiers », que l’on nommera pas la suite, « charretier » ou « voiturier ».

Pour être traité, le bois devait d’abord sécher au moins 8 à 10 mois. Intervenait ensuite le « faudreur » (fabricant de charbon de bois). Il érigait une meule bien particulière qui devait brûler au moins 8 jours. Le charbon de bois récolté était livré aux Maîtres de Forges pour alimenter les fourneaux. Quant au minerai, la plus grosse partie traitée par ces forgerons était d’importation : celui trouvé dans la région se révèlait souvent de mauvaise qualité, comme celui de Trélon par exemple.

Les forges vont donc résonner pendant plusieurs siècles avec des arrêts.

En été à cause du pauvre débit des rivières, parfois l’hiver à cause des inondations, mais le plus souvent à cause des guerres Ces fléaux vaudront aux propriétaires des exemptions d’impôts. En 1616, la cour du Hainaut légifère de façon à préserver les réserves forestières car le défrichage était devenu abusif. Mais dès 1615, on assiste à un exode des Maîtres Ferons. Les éléments précédents ou les persécutions pour cause religieuse vont les amener à courir vers d’autres cieux : le pays de Liège, le Luxembourg ou la Suède (pour les protestants). C’est pourquoi, vers 1627, une ordonnance leur interdit de quitter le pays. Finalement la fabrication du fer continuera tant bien que mal pour disparaître vers le 18ème siècle, ère de la révolution industrielle.

Habitations de bucherons, début XXe

Des vestiges, il n’en reste guère

Seuls les étangs comme celui de la Lobiette à Anor ou des noms de lieux tels que : – Anor : La lobiette, la neuve-forge, le maka, la galoperie. – Hirson : Le Pas-Bayard, Blangy. – Eppe-Sauvage : Le grigneau, le marteau, le voyau… dont une a été engloutie par le barrage du Val Joly

Et bien d’autres encore. Toutes ces forges et fourneaux étaient situés en Thiérache et dans cette région belge appelée « Entre-Sambre et Meuse », qui à l’époque ne formait qu’un seul et même territoire.

MFP