L’étang du Pas-Bayard situé sur la commune d’Anor, porte le nom du célèbre cheval Bayard monté par les quatre fils Aymond.
Origines d’une légende
Au temps où prit naissance de la légende du cheval Bayard, l’étang du Pas-Bayard était inexistant. L’Oise n’était là qu’un simple ruisseau coulant dans la dépression du terrain en forme de cuvette; on conçoit dès lors que le célèbre cheval portant ses cavaliers n’eut aucun mal à sauter le cours d’eau, laissant en témoignage de son passage la marque de ses sabots dans la terre glaiseuse et argileuse…
D’après un bail établi le 7 septembre 1599, Jean LE MOLNIER qui exploitait déjà les forges de Milourd et de La Lobiette établit une petite industrie du fer en ce lieu. Mais c’est sous le gouvernement du grand ministre de Louis XIV, Colbert, que le Pas-Bayard prit son essor industriel. Un Maître de forges, Antoine CATTREUX, venant de Lyon s’y établit. L’étang n’était encore au XVIIe siècle qu’un élargissement de la rivière, CATTREUX fit ériger un barrage pour rendre l’Oise prisonnière en cet endroit. Un seul point de fuite était prévu pour elle: Le déversoir. S’y glisser c’était le travail forcé à perpétuité. Une roue aubée immense donnait vie et mouvement à tout un ensemble industriel travaillant le fer. L’Oise ne pouvait se résoudre à rester prisonnière d’un étang, la liberté étant son motif d’exister; elle se précipitait tantôt avec une bonne volonté, tantôt avec fureur sur cette lourde roue, et tourne…et tourne….qu’elle en était essoufflée elle-même. Certains jours d’été ce travail était pour elle si épuisant qu’elle en transpirait, un léger brouillard se formait tant sur le déversoir que sur l’aval de son cours.
Le travail de la forge
Grâce pourtant à la bonne volonté de l’Oise, l’usine prit de l’expansion. Les articles qui y étaient fabriqués, ceux en particulier destinés à l’armée du roi de France, inquiétaient les Austro-Espagnols établis sur les frontières proches des Pays-Bas. Au début de l’année 1689, les ouvriers refusèrent de continuer le travail si le propriétaire GALLOIS ne postait des sentinelles avancées pour protéger leur vie. Malgré cette précaution, les coureurs ennemis purent s’introduire en France en cette même année 1689 et mettre l’usine du Pas-Bayard à sac, incendiant les bâtiments et détruisant le matériel. Durant presque un siècle toute activité humaine cessa au Pas-Bayard, la nature reprit ses droits et seul le gazouillis des oiseaux meubla sa solitude.
Reprise de l’activité
En 1793, un ancêtre entreprenant de la famille BOURGEOIS vint se réinstaller dans ce décor champêtre. Sur l’emplacement de l’ancienne forge on rebâtit. Les anciens déversoirs furent remis en état et la fabrication de clous et de chaînes reprit.
Le 10 juin 1814, Un autre Maître de Forges, maire de Chimay, François DESPRET, introduisit une demande d’agrandissement de l’établissement du Pas-Bayard. Charleroi venait d’être détaché des domaines de France, le travail métallurgique étant impératif pour l’économie du pays: Il fallait créer des usines en deçà des nouvelles frontières. La demande de François DESPRET fut agréée: Clouterie, platinerie, laminoirs furent installés au Pas-Bayard. La nouvelle société construira une digue plus étendue et plus résistante que la première, on va augmenter le niveau des eaux pour solliciter l’Oise à plus de travail et de force qu’on ne lui en avait réclamé jusque-là. Les ateliers comporteront une fonderie, deux laminoirs, des martinets, fabrication de clous, de chaînes, tôles et objets en fonte. DESPRET y adjoindra une fabrique de fer-blanc destiné à la quincaillerie et qu’on appellera « camelote ».
En 1820, l’usine fut vendue pour fusionner avec celle de Forges-Philippe près de Seloignes: DUCARNE et DESCHAMPS d’Imbrechies en devinrent propriétaires. Puis, en 1832 -1860 -1859 – 1892, l’usine du Pas-Bayard passa en diverses mains. Enfin, en 1894, elle fut rachetée par les fonderies de Saint Michel Souglang; annexe de celle-ci. Elle produisait des tôles fines, très appréciées pour la fabrication des appareils de chauffage. Ainsi, durant tout le 19° siècle, la force des eaux de l’Oise fut très sollicitée en ce lieu. Elle dut fournir un débit continu et intensif pour satisfaire en force motrice les ateliers du Pas-Bayard. A deux reprises l’Oise put s’échapper de l’étang du Pas-Bayard, libre et légère. En 1927 et 1936. Les conduits réclamaient des réfections l’étang fut mis à sec. Le progrès allait mettre un terme à cette activité plusieurs fois centenaire. L’exploitation de l’usine du Pas-Bavard devenait trop coûteuse, son emplacement difficile d’accès pour les nouveaux moyens de locomotion.
La nature reprend ses droits
En 1938, on ferma les portes de l’ensemble industriel. Les roues, aubes, mues par les eaux de l’Oise s’arrêtèrent définitivement de tourner. Le matériel fut enlevé. Bientôt l’usure, les bâtiments annexes se délabrèrent… et L’occupation des armées allemandes en 1940-1945 n’arrangèrent rien. Seul restait en ce vallon, témoin d’une époque révolue, l’ estaminet-ferme qu’avait construit en 1869 Jean-Baptiste BOURGEOIS. Quant à l’oise, indifférente à ces mutations humaines, à ces espérances, à ces douleurs, elle continue à alimenter de ses eaux l’étang formé au XVIIe siècle. A la belle saison, campeurs, touristes, pêcheurs, chasseurs, fréquentent son plan d’eau et ses rives. Mais où sont les activités d’antan? Le va-et-vient incessant des rouliers et de leurs chevaux venant prendre livraison des commandes. Les hôtes de marque se plaisaient à fréquenter cet endroit le duc d’Aumale, les conservateurs des Eaux et Forêts, les gardes des domaines du duc de Guise…
Aujourd’hui, l’étang du Pas-Bayard, entouré d’arbres bruissant dans le vent porte quelques barques dansantes sur l’onde; on aime y pécher, y entendre le bruit du déversoir, révéler quelques âmes de poètes, cherchant à percer le mystère de la vie et de la mort face à l’histoire, hantent encore ces lieux qui furent jadis si animés.