Situé en forêt de Saint-Michel-en-Thiérache, le site occupe une position dominante surplombant à l’ouest le village actuel de Macquenoise. La déclivité naturelle et la présence de l’Oise en contrebas, ont vraisemblablement déterminé le choix de cet emplacement. Enfin, un banc d’arkose, alentour, a motivé l’emploi de ce matériau dans la construction de l’édifice. La pierre extraite sur place aura réduit les dépenses tandis que la forêt fournissait le bois nécessaire aux échafaudages, aux planchers et aux hourds.
L’ouvrage fortifié était doté de quatre tours de flanquement, dont trois sont encore nettement identifiables aujourd’hui. De plan rectangulaire, la construction était d’appareil régulier. Le bâti, en l’état, présente de nombreux trous de boulin. On ne connaît pas son organisation intérieure, mais selon le témoignage de Dom Lelong vers 1783, certains appartements étaient pavés de grands carreaux de brique et il existait une prison. Plus tard, le Dr Rousseau souligne que « dans la tour du sud sont les débris d’un escalier qui était jadis éclairé par des fenêtres à encadrement de pierre bleue ». On remarque également un puit pris dans la maçonnerie de la courtine sud, assurant l’alimentation en eau. Un fossé renforçait le schéma défensif.
La date de fondation est assez bien cernée grâce à l’ensemble des sources. Le document majeur est le texte de la Charte consigné folio 110 du Cartulaire rouge du duché de Guise. C’est sous l’abbatiat de Wilhelme, en janvier 1183, que remonterait l’origine de ce poste défensif. Elle est, en tout cas, à mettre en relation avec l’abbaye bénédictine et le Seigneur de Guise. Afin de mieux comprendre, il nous faut maintenant ouvrir une parenthèse. Aélise ou Améline, fille de Bouchard, Seigneur de Guise et d’Hirson est promise dès l’enfance à son cousin Jacques, fils de Nicolas, fondateur de la maison d’Avesnes. Le fait est d’importance puisque vers 1170, date probable du mariage, Jacques d’Avesnes devient le vassal de deux suzerains, Baudoin de Hainaut et Phillipe d’Alsace, comte de Flandres mais également de Vermandois par sa femme Elisabeth. A la mort de celle-ci en 1182, l’héritage du Vermandois est disputé à Phillipe d’Alsace par le roi de France soutenu par Baudouin.
Cette querelle divisera le Seigneur de Guise et aura notamment pour effet la destruction d’une centaine de villes ou villages. C’est dans ce contexte que sera signé la Charte entre Jacques d’Avesnes et l’abbé bénédictin. On sait, par ailleurs, que les domestiques du Seigneur avaient incendié les bâtiments abbatiaux après 1170 ou avant 1173. En dédommagement il abandonna aux moines tous les droits de terrage possédés sur le territoire. La menace de nouvelles incursions et la perte d’un procés qui opposait les bénédictins de Saint-Michel et les cisterciens de Foigny (portant sur une partie des bois de Wattigny) finissent de convaincre Wilhelme à confier l’avouerie du monastère à Jacques d’Avesnes. Devenu avoué, il promet « de porter à l’église loyale garantie, si ladite église étoit molestée de aucuns et de aucunes dans les bos ». En échange de cette protection, les moines l’autorisent à construire une maison-forte à Saint-Michel et Rochefort et lui accordent des coupes en forêt. Le seigneur de Guise et ses héritiers directs deviennent alors propriétaires par indivis de 7219 arpents de bois. Wilhelme, 16e abbé, s’éteint six mois plus tard. Jacques meurt au combat au cours de la troisième croisade, le 7 septembre 1191.
Aucune information ne nous est parvenue sur la destination postérieure du fort. Il est vraisemblable de penser qu’il est délaissé après le départ de la famille d’Avesnes. La diffusion des chansons de geste et le retour des croisades ont laissé une empreinte dans la toponymie du terroir. Les lieux associés aux Sarrazins sont nombreux tant en Thiérache que dans l’Avesnois. Les fouilles ont mis en évidence qu’ils désignaient souvent des sites antérieurs au Haut Moyen Age. Le fort de Jacques d’Avesnes est encore connu, au début du XXe, comme le château des Sarrazins.
Dans les premières décades du XVIIIe, les employés du Domaine accompagnés du devin Vandenawes investissent le lieu, en quête d’une idole, la Cabre d’or. En témoigne la correspondance entre De la Lande, Maître général des eaux et forêts du duché de Guise et le Procureur fiscal des grueries d’Hirson et de Saint-Michel. Initiateurs du projet en octobre 1723, leur entreprise se solde par un échec, vers la fin de 1724. La décision du Conseil d’Administration du Domaine en date du 23 juillet porte un coup d’arrêt aux recherches. Au XVIIIe siècle, le modelé de la carrière qui environne le fort est naturellement confondu avec une fortification antique voir protohistorique. La découverte d’un numéraire et de pierres meulières suffit longtemps à convaincre la plupart des érudits locaux. Ces quelques indices mis à part, ces interprétations sont, aujourd’hui, soumises à une sévère révision.
Seule, l’exploitation du banc d’arkose correspondrait à la période gallo-romaine. L’arkose est utilisée pour les besoins de la confection des pierres meulières dont un des ateliers a été mis à jour dans la forêt particulière d’Hirson au XIXe. Dans le voisinage de cette précédente découverte mais sur le territoire belge, les murs du balneum du Pâchis sont également en arkose. La carrière restant cependant ouverte jusque vers 1850, il est difficile de se représenter l’importance du site primitif. Une ligne de déblais court au sud sur plus de 1000 mètres, sans qu’on puisse véritablement s’en expliquer l’objet. On rencontre deux autres carrières plus à l’ouest, de configuration semblable et probablement mises en valeur au cours de la même période.