Hirson, une ville, une gare…

Cette garnison comportait 2600 hommes d’infanterie, deux régiments de cavalerie, quatorze batteries et un parc d’artillerie, des détachements du génie et de la gendarmerie. L’opération aura lieu entre le 30 août (1870) et le premier septembre, avec 66 trains, formés de 2429 véhicules.

L’opération fut difficile, car la dernière section, entre Soissons et Hirson n’était qu’à une seule voie, et le dernier tronçon, entre Vervins et Hirson n’était pas terminé ; l’ordre fut cependant donné, et l’opération réussit sans incident. Là, subsistaient des pentes de l’ordre de 13 à 14 mm par mètre, ce qui représentait une limite supérieure à ne pas dépasser.

Parfois, la voie avait été fixée sur des empilements de traverses, lorsque le remblai n’avait pu être posé.

Par la suite, jusqu’en 1885, Hirson vit sa vie de petite gare ; dans l’année 1885, la région Nord enverra 146 000 tonnes de marchandises seulement, traités en 40 000 wagons sur l’année.

Hirson, le passage à niveau

C’est que la guerre de 1870 a ralenti le développement économique. Le minerai de fer ardennais est épuisé. Il faudra la découverte par Thomas et Gilchrist, de la déphosphoration de la fonte que l’on peut extraire de la minette lorraine, Jules Faévre ayant obtenu au traité de Francfort que les gisements lorrains restent français, pour commencer à mettre en valeur le bassin de Briey, et permettre au minerai lorrain de répondre aux besoins croissants de l’industrie sidérurgique française.

Les bassins sidérurgiques de la Sambre et de l’Escaut ont besoin du minerai de l’Est ; le bassin de Briey a besoin des fines et du coke du Nord ; la navette métallurgique va naître ; elle deviendra peut-être la plus importante du monde, et finira par faire de la gare d’Hirson la seconde de France.

Mais à cette époque, une locomotive appartenant au réseau Nord ne peut pas circuler et tirer un train sur un autre réseau, en l’occurrence le réseau Est. Et inversement. Tous les trains venant du Nord s’arrêtent donc à Hirson, pour être remaniés, en fonction des directions finales, et changent de locomotive. De même pour les trains qui viennent de l’Est. Car Hirson est à la limite des deux régions ferroviaires. La compagnie du Nord recrute et installe son personnel à Buire ; la «cité» de Buire va voir le jour… La compagnie de l’Est fait de même à Hirson, et naîtra la «cité des Champs-Elysées».

La cité de Buire
La cité de Buire

L’augmentation du trafic est fulgurante : il double en 1886, puis augmente de 40 000 wagons par an jusqu’en 1890, où les échanges du Nord vers l’Est atteignent le million de tonnes. Il faut agrandir la gare. En 1891, on lui ajoute dix nouvelles voies, et une halle de marchandises de 1 800 m². Le matériel ferroviaire progresse, lui aussi. Si au départ, les wagons étaient de 10 tonnes (avec une tare à 5 tonnes), ils passent progressivement à 12,5 tonnes, puis à 15 tonnes, et enfin à 20 tonnes en 1898.

Dès 1876, des crédits avaient été votés pour la création d’une zone militaire : « Le Courrier de l’Aisne », 14 juillet 1876 : «Nous tenons de source certaine, dit «Le Nord de la Thiérache», que le Conseil d’Administration de la Compagnie du Nord vient de voter une somme de 800 000 Francs pour la construction du quai militaire et commencer l’agrandissement de la gare. Les travaux commenceraient sous peu.»

Commercialement, pour la sidérurgie française, la concurrence de la Ruhr est de plus en plus importante. Les compagnies de chemins de fer vont alors soutenir la sidérurgie (mais n’oublions pas que les compagnies de chemin de fer sont des compagnies privées dont les actionnaires sont aussi actionnaires de la sidérurgie, (ou alors ce sont leurs cousins…), en créant des tarifs spéciaux pour les trains complets, et en exonérant ces entreprises du droit de raccordement nécessaire aux expéditions. En retour, il est clair que les houillères du Nord vont augmenter leur trafic. Les compagnies s’y retrouvent d’ailleurs, car elles font assurer par leur client, des opérations qui sont coûteuses pour elle, comme le tri et la formation des trains. Pour l’usager, l’acheminement est accéléré. Pour les compagnies, la rotation du matériel est plus rapide. Tout le monde est bénéficiaire. Les compagnies du Nord et de l’Est, mettent alors au point, de façon concertée, deux tarifs (les tarifs 107 et 113), qui concernent des trains complets, de charges allant de 250 à 800 tonnes brutes. Cependant, il subsiste un tarif par rame de 100 tonnes, et un prix par wagon.

la cité des Champs Elysées
la cité des Champs Elysées

Une nouvelle locomotive, la 031-130, est mise au point par l’ingénieur Mallet. Elle peut assurer la traction de rames allant jusqu’à 950 tonnes, ce qui fait passer le tonnage moyen des rames circulant sur la «navette minière» à 850 tonnes, au lieu des 600 tonnes permises par la 040. C’est en 1905 que le réseau Nord fait étudier une nouvelle série de machines destinées à la traction des trains marchandises lourds. Pour éviter l’usage de machines en double-traction, le Nord fait construire des locomotives articulées à deux trains moteurs. Ces machines possèdent une chaudière fixée sur une poutre porteuse, qui prend appui sur deux ensembles moteurs articulés, appelés trucks. Cette disposition qui dérive du système Meyer-Kitson est totalement différente du système Mallet à laquelle cette série de machine est souvent apparentée, car avec ce dernier système seul l’ensemble moteur avant est mobile. Ce système s’apparente plus d’ailleurs à mon avis au système Garrat, à la différence que sur les 031+130 Du Bousquet, le bac à charbon est porté par la poutre, l’approvisionnement en eau étant quant à lui pour la moitié arrière porté par la poutre, les bâches à eau avant étant portées par le truck avant.

Le caractère original de ces locomotives en fait donc des machines «Du Bousquet». De plus, disposant de deux trains moteurs, il était simple d’utiliser la vapeur haute pression du train arrière pour l’envoyer au train avant, ce qui leur vaut d’être peintes en brun dit «chocolat» comme toutes les machines compound (à plusieurs pistons) du réseau.

Les 48 locomotives qui sont construites seront affectées aux dépôts du Bourget et d’Hirson, et assurent les trains lourds Hirson-Valenciennes et Le Bourget-Lens, essentiellement des trains de charbon. Le freinage est aussi amélioré, avec l’apparition du freinage à air comprimé.

locomotive

Parallèlement à ce développement de la gare, la ville d’Hirson connaît une profonde mutation. C’est que cet afflux de personnel vers la gare, entraîne des besoins nouveaux ; se loger, se nourrir, se vêtir… Bref, vivre. Il faut donc des logements, des commerces, des infrastructures… Non seulement la gare emploie de plus en plus de personnes, mais chaque fois qu’elle se développe, qu’elle s’étend, cela donne lieu à d’importants travaux, qui nécessitent une très importante main-d’œuvre. En fait, la ville d’Hirson, celle de Saint-Michel aussi, avait très tôt adopté un position favorable à l’implantation des chemins de fer. Après une séance extraordinaire de son Conseil Municipal, du 25 octobre 1846, le communiqué suivant est publié : « L’an 1846, Le 25 octobre. Le Conseil Municipal du bourg d’Hirson, s’est réuni en séance extraordinaire, en exécution de la lettre de M. le Sous-préfet de l’arrondissement de Vervins, en date du 16 octobre courant, à l’effet de discuter les avantages et les inconvénients qui pourraient résulter pour la commune de l’établissement du chemin de fer de Valenciennes à Mézières, avec embranchement sur Cambrai.