Maquette du Familistère
Maquette du Familistère

Après un certain nombre d’exercices et de distributions de dividendes, le certificat d’apports de GODIN fut complètement remboursé et le capital originaire de quatre millions six cent mille francs se trouva intégralement remboursé et le capital originaire intégralement divisé en parts d’épargne ou parts de capital passées entre les mains du personnel. En fait, cette transformation fut achevée en 1894. Les travailleurs de l’Association, en quatorze ans, étaient devenus propriétaires de l’entreprise et, pour constituer leurs parts de capital, ils n’eurent jamais à prélever la moindre somme sur leurs salaires. Ainsi, en 1894, tous les titres d’apports étaient convertis en titres d’épargne. Mais le capital ne devait pas s’immobiliser entre les mains des nouveaux possesseurs. La possibilité d’acquérir les parts du fonds social est assurée indéfiniment aux travailleurs successifs de l’Association par l’article suivant des statuts : «Lorsque tous les titres d’ apports seront transformés en titres d’épargne, ceux-ci à leur tour seront remboursés et le remboursement s’opérera par ordre d’ancienneté.» A chaque nouvelle distribution de bénéfices en parts d’épargnes correspondant un remboursement égal des parts les plus anciennes, à moins qu’une augmentation de capital soit jugée nécessaire. En conséquence, à la fin de chaque exercice, il est procédé à un remboursement de parts en espèces égal à la nouvelle distribution, et ce remboursement s’effectue sur l’exercice le plus ancien restant à rembourser.

Participation du personnel à la gestion

Quatre cent vingt membres de la société du Familistère, ouvriers et employés, possèdent la qualité d’ associés et prennent part aux délibérations des assemblées générales de l’association. Parmi ces associés, six d’entre eux sont nommés chaque année par l’assemblée générale et choisis parmi ces membres pour faire partie des conseils de gérance et de surveillance de la société. Les trois conseillers de gérance, nommés par l’assemblée, ont les mêmes droits et prérogatives que les conseillers de gérance siégeant par droit de fonction. Les trois membres formant le conseil de surveillance sont chargés d’examiner les comptes de l’entreprise et d’établir un rapport présenté par eux à l’assemblée générale sur la situation morale, industrielle et financière de l’Association.» En plus de cette structure qui préfigurait les théories modernes de la cogestion de l’entreprise, une infrastructure sociale et culturelle constituait un environnement unique. L’assurance des pensions et du nécessaire à la subsistance.

Cette assurance, nouveauté sociale hardie à l’époque où elle fut instituée par GODIN, a pour principal objet de servir des pensions d’invalidité aux membres de l’Association devenus incapables de travailler ; de donner le nécessaire aux familles des habitants du Familistère dont les ressources seraient momentanément insuffisantes ; de prendre soin de leurs orphelins ; de venir facultativement en aide aux veuves et aux orphelins des participants et des auxiliaires. Les ressources de l’assurance de ces pensions et du nécessaire sont fournies exclusivement par la société, sans aucune retenue sur les salaires. La pension est accordée aux personnes attachées à l’établissement par d’anciens services et dans le cas d ’incapacité notoire de travail. Après quinze ans de service, la pension statutaire des associés a été fixée en 1880 à soixante quinze francs par mois pour les hommes, et à quarante cinq francs par mois pour les dames. La pension statutaire et journalière des participants et des auxiliaires est fixée de la manière suivante pour les personnes employées dans les services du familistère et de l’usine : Après quinze ans de service en une seule fois : hommes : 1F., dames : 0.75F.

En 1871, GODIN écrivait :

«Tous les jours, se renouvelait pour moi le dur labeur d’un travail qui me tenait à l’atelier depuis 5 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir. Je voyais à nu les misères de l’ouvrier et ses besoins, et c’ est au milieu de l’accablement que j’en éprouvais que, malgré mon peu de confiance en ma capacité, je me disais : si un jour je m’élève au dessus de la condition de l’ouvrier, je chercherai les moyens de lui rendre la vie plus supportable et plus douce et de relever le travail de son abaissement.»

Extrait de «Solutions sociales», par Jean-Baptiste GODIN.