La braderie annuelle placée sous l’égide du Syndicat d’Initiative d’Hirson fait le plein de badauds. C’est jour de réjouissances pour la population hirsonnaise et des environs. Hélas ! Le 5 juillet 1931, c’est le cauchemar. Un drame se déroulera en fin de journée au « Champ Roland » près du cimetière.

Baptêmes de l’air

Après une entente préalable avec le propriétaire du terrain, M. Nicolas CENDRE garagiste, dirigeant un club d’aviation privée à Rethel (Ardennes) s’approprie un droit à étaler ses activités « commerciales » aéronautiques dans le flot d’un peuple en fête. Nicolas CENDRE et son pilote LAPORTE posent ce dimanche au « Champ Roland » deux appareils: Un berline 6-8 places et un biplace. Ils ont ferme intention d’organiser des baptêmes de l’air.

Autorisations

M. MOREAU, Commissaire de police n’a reçu des autorités préfectorales et aéronautiques pas plus d’ailleurs que les notables locaux, un ordre autorisant ce meeting aérien. MM. MOREAU et DUPONT (maire adjoint) se transportent sur les lieux afin de tirer les choses au clair. Nicolas CENDRE n’est possesseur d’aucune autorisation! M. MOREAU intime aux aviateurs à surseoir à toutes exhibitions. CENDRE conteste vivement cette décision. Force reste à la loi.

L’irréparable

Il est environ 17h.30, deux cents personnes sont témoins d’un événement puisqu’ils ont eu le loisir et le temps à contempler les avions cloués au sol laissés sans surveillance. Les pilotes de retour sur le terrain après une « escapade » en ville décident enfin à dégager la piste. Ils s’installent dans les cabines de pilotage, les moteurs vrombissent, c’est le décollage. Hélas L’un des aéroplanes se déporte à droite, il a en ligne de mire un public massé le long du parcours, les gens paniquent, tous voudraient échapper à ce qui est pressenti. L’irréparable s’accomplit, l’avion incontrôlé fauche trois personnes dont un enfant.

Champ Roland 1931, catastrophe aérienne

L’heure des comptes

Les premières victimes sont: Mme MOREAU-LACAILLE, 26 ans, et son fils Roger, 3 ans, demeurant rue de Vervins à Hirson; Mme Marthe MOUFLART, 32 ans, domiciliée rue Magnier à Hirson. Le plus jeune de ses enfants qu’elle tient dans ses bras échappe de justesse à une mort certaine. L’avion poursuit sa course sur plus de 200 mètres, il arrache les clôtures et les piquets en fer. Il fait un demi-tour et pique du nez puis s’engage dans un chemin creux où d’autres hirsonnais se sont mis à l’ombre près d’un buisson. Le bilan est lourd, deux victimes de plus, Mme MOUFLART-GOUVION, 77 ans, Mlle HELLER, 45 ans. A leurs côtés, M. LEBLEU a le réflexe de se jeter sur le côté avec son bébé entre les bras, ils sont tous deux épargnés. Le landau est écrasé… Les secours relèvent une dizaine de blessés « déclarés ». Certains, plus légèrement atteints, ne se font pas connaître. M. Edouard MOUFLART, forgeron, demeurant rue Magnier souffre d’une fracture du péroné et d’une entorse (son épouse est décédée); Mlle MOUFLART, rue de La Capelle, blessures à la tête, Mme HELLER, contusions à l’épaule droite; Mme Pauline BILLARD-LARUE, 48 ans, demeurant rue de la Prise d’eau, blessures à la tête et contusions multiples à tout le corps; blessures identiques pour Mme LELOIR domiciliée rue de Saint-Michel ; Serge VINDA, 7 ans, domicilié à Hirson est grièvement atteint à la tête ; Charles ROESCH, 14 ans de Landouzy la ville, contusions ; M. Marcel LEMAIRE de Saint-Michel-Sougland, fractures multiples au bras droit; M. Marceau BERTEAUX d’Hirson, contusions; Mlle Marguerite CARTIGNY, 22 ans, contusions au bras droit. Les blessés sont rapidement évacués sur l’hôpital Brisset d’Hirson et pris en charge par les médecins et les religieuses de l’établissement hospitalier. Quant aux cinq victimes, elles reposent à la morgue; ultime refuge qui plonge les familles et les amis dans une profonde douleur.

Arrestations

MM. VALLIER et LANSART, respectivement Procureur de la République et Juge d’instruction placent en détention Nicolas CENDRE et LAPORTE. Les inculpés répondront de leurs actes devant la justice pour ce qui s’est joué par « orgueil » et de « l’insolence » d’un chef d’entreprise dénué de scrupules, plus soucieux de ses intérêts privés que des règles élémentaires de sécurité.

Obsèques solennelles

Le lendemain du drame, le Conseil municipal se réunit en séance extraordinaire. Emile VILLEMANT, premier magistrat de la Ville, ses adjoints et les conseillers décident de faire aux victimes, des obsèques solennelles aux frais de la Ville. Le jeudi 9 juillet 1931, je cite « Une foule compacte suit avec recueillement le convoi funéraire des victimes de l’accident d’aviation. « 

Jacky Billard