En 1773, voyage en Thiérache d’un élève officier du génie. Ce texte écrit par un élève officier de l’Ecole Royale du Génie de Mézières décrit la Thiérache en 1773.

Cet extrait des archives de la Société Historique de Haute-Picardie, a été publié dans la revue du Conseil général de l’Aisne « L’AISNE », N° 63, de février 1995.

Témoignage: la Thiérache au XVIIIe Siècle

« La situation respective de ce petit pays à l’égard des autres provinces est la première chose qui vient à l’esprit. Elle est bordée au nord par le Hainaut, au Levant par le Cambrésis le Vermandois et le Noyonnais et au couchant par la Champagne. Quoique son étendue ne soit pas bien considérable elle ne laisse cependant pas de renfermer un assez grand nombre de petites villes du Gouvernement Militaire de Picardie. Elle est arrosée par l’Oise, le Ton, la Serre et plusieurs autres ruisseaux moins considérables. Mais de toutes ces rivières, il n’y a que la première qui soit navigable ; encore ne commence-t-elle à l’être qu’à Chauny dans le Noyonnais et qu’elle porte bateaux.

extrait de la carte de Cassini

extrait de la carte de Cassini (cliquez pour agrandir)

Lorsqu’on n’a jamais voyagé en Thiérache, on n’a point d’idée vraie de ce petit pays. On croit que c’est le plus mauvais qui puisse exister. Cependant on se trompe. Il est d’un assez bon produit, en grains surtout, car ce sont là les meilleures et plus abondantes productions qui en sortent. Une autre branche du commerce qui s’y fait encore c’est celui du chanvre filé ectrèmement fin, que l’on vend du côté de Sain-Quentin pour faire des gazes et des baptistes, que l’on transporte en Flandres pour y faire ces belles dentelles de Malines etc…

La Thiérache étant presque frontière de la France, il y a un grand nombre de commis qui sont répandus le long de la rivière d’Oise et du Ton pour empêcher la contrebande, qui peut s’y faire assez facilement au moyen des bois qui communiquent avec ceux du pays étranger. J’y ai vu peu de petits seigneurs comme dans les autres pays et le clergé possède tous les biens à l’exception du Duché de Guise qui est une partie de l’apanage du prince de Condé et du territoire de Vervins qui appartient à M. le Duc de Coigny. Cette abbaye qui dépend du diocèse de Laon a la plus belle apparence qu’il soit possible. Les façades qui sont de 23 croisées donnent un air majestueux qui plait à l’oeil et qui semble annoncer une maison royale. A la vérité elle avait été bâtie pour 300 religieux de l’ordre de citeaux et de la filiation de Clairvaux à la prière de Barthélemy de Vir, évêque de Laon. Mais depuis, les moines ayant beaucoup diminué, et diminuant encore tous les jours, au moyen de la commission établie pour évaluer les biens qu’ils possèdent dans chaque province et pour ordonner de la réforme, ils ne sont plus maintenant dans ce monastère que 10 religieux qui peuvent posséder environ 15 à 20 000 L de rente et l’abbé commanditaire 25 000L. l’année commune abstraction faite des charges qu’il est obligé de payer et qui montent à la même somme que son revenu.